dimanche 23 janvier 2011

Los Parisinos au pays des gurus

Goa, 24e jour en Inde.

Lorsque nous avions visité les temples d'Angkor au Cambodge, nous cherchions à nous les imaginer il y a un millénaire, lorsqu'ils étaient encore utilisés à des fins religieuses. Ces sites archéologiques hindous sont superbes, mais ils sont aujourd'hui morts. Seule la danse des cars de touristes continue d'animer les lieux. On y parle de Brahma, de Vishnu et de Shiva de la même manière que l'on pourrait parler d'Osiris et Isis en visitant un site archéologique en Egypte, c'est à dire comme des dieux antiques d'une religion éteinte.

Pour avoir un aperçu de la vie d'un tel temple il y a 2000 ans, il y a pourtant un moyen : aller en Inde. C'est le seul endroit du monde que nous ayons vu où des temples vieux de plus de trois millénaires étaient toujours quotidiennement utilisés pour des rituels religieux. L'expérience est très impressionnante. Ces temples sont de gigantesques cathédrales hindoues (d'une superficie de près d'un kilomètre carré parfois) où grouillent des milliers de fidèles. Certains habillés de noir et d'orange. Certains torse-nu. Tous avec la marque du troisième oeil entre les sourcils. Il y a des dizaines de salles dédiées à différentes divinités, toutes ornées de magnifiques sculptures et bas-reliefs. Il y a aussi des boutiques où l'on peut acheter tous les goodies nécessaires aux fidèles, et même de la nourriture. Il s'agit de véritables lieux de vie. Beaucoup d'Indiens y vont plusieurs fois par jour.

Nous avons visité les temples de Chidambaram et de Tanjor. Tous deux immenses. Tous deux millénaires. Puis nous nous sommes digirés vers Madurai où nous sommes restés quelques jours avant d'aller à Trissur, dans l'état du Kerala. Nous y avons rencontré Tom qui nous a hébergé pendant deux jours.

Tom est indien. Il est aujourd'hui directeur informatique dans une grande entreprise d'aéronautique américaine et travaille à Washington. Il était revenu rendre visite à sa famille en Inde. Comme toutes les autres expériences de vie chez l'habitant que nous avons faites pendant notre voyage, ce fut à la fois très plaisant et très instructif de partager sa vie pendant deux jours. Nous en avons eu la confirmation : l'Inde est sans doute le pays du monde où la vie spirituelle occupe la place la plus importante dans la vie de ses habitants. Outre le fait que Tom se rendait au temple plusieurs fois par jour, son appartement était truffé de photos de son guru. Et oui, la spiritualité indienne ne se limite pas à l'hindouisme. Il existe en Inde des milliers de "guides sprirituels". Certains d'entre eux se contentent de diriger des séminaires de yoga. D'autres sont réputés pour leurs dons extraordinaires. Le guru de Tom parviendrait parait-il à voir les vies antérieures des personnes qu'il rencontre... Certains gurus sont suivis par plusieurs dizaines de milliers de fidèles.

Et beaucoup de touristes viennent un Inde pour cette raison. Il y a 40 ans on venait en Inde pour l'expérience psychadélique. Aujourd'hui on y vient pour rencontrer un guru ou faire une retraite dans un "ashram" (centre de méditation dirigé par un guru). Et le phénomène est loin d'être marginal. C'était au programme de la majorité des touristes que nous avons rencontrés. Nous aurions volontiers tenté l'expérience de passer deux jours dans un centre de yoga. Mais le culte de la personnalité qui entoure ces gurus nous semble vraiment malsain. Beaucoup d'entre eux sont réputés multi-millionnaires. Et la frontière entre la spiritualité et la para-psychologie "new-age" semble parfois mince. Une touriste que nous avons rencontré nous a dit qu'on lui avait un jour demandé : "Et toi, c'est quoi ton problème qui te fait venir en Inde ?". Charmant.

C'est sûr que l'Inde boulverse tous nos repères. Je crois qu'il n'y a pas plus dépaysant. Pour remettre en place nos idées et nos schémas mentaux, il n'y a pas mieux. Tout y est bizarre. L'Inde est le pays où nous nous sentons le plus éloignés de chez nous. C'est parfois très déstabilisant. Surtout lorsqu'au bout d'un moment, en se promenant dans la rue, on comprend que la chose la plus bizarre ici c'est finalement nous.

Après notre visite chez Tom, nous sommes partis par la ville de Kochi. Il s'agit d'un ancien comptoir portugais. C'est là qu'est enterré Vasco de Gama. Le coin est aussi réputé pour ses "backwaters". C'est une immense étendue de mangrove avec de nombreux villages où toute la vie s'organise sur l'eau. C'est superbe.

Puis nous avons pris un train pour Goa. Le paradis psychadélique des années 70 devenu plus tard le paradis des amateurs de musique électronique. Aujourd'hui, c'est surtout une immense station balnéaire envahie par les touristes israeliens. Mais il y fait plutôt bon vivre.

Nous garderons un souvenir ému de notre arrivée à Goa. Après 13 heures de train (dans un wagon hyperclimatisé où nous étions morts de froid : je me demande si on ne devrait pas rester en 2e classe avec les chèvres, finalement), nous sommes arrivés à 2 heures du matin dans la ville de Magdao. C'est une ville sans grand intérêt et absolument pas touristique dans l'arrière pays de Goa. Mais c'était là que le train arrivait. Nous avions prévu d'y finir la nuit avant de prendre le bus pour la plage. Je ne sais pas si vous avez déjà vu le film Los Angeles 2013 avec Kurt Russel. Ou alors Terminator. Ou alors si vous avez déjà joué au jeu vidéo Fallout ou alors à Kingpin. Ok, je plante le décor. Imaginez une ville presque déserte, la nuit. Les ruelles sont sombres, sales. Tout est fermé. De lourdes grilles de fer protègent les vitres. Il y a des tas d'ordure partout. Tous les murs sont taggés. Il y a de vieilles usines désaffectées au loin. Les rues sont remplies de clochards réunis autour d'un feu d'ordure improvisé dans un barril rouillé. L'odeur y est épouventable. Dans la lueur des rares réverbères, des chiens errants rongés par la maladie fouillent dans les poubelles et grognent à la moindre approche. Certains vous suivent pendant plusieurs centaines de mètres en aboyant. Et au milieu : los parisinos cherchant désespérément un hôtel. Lorsqu'on s'approchait d'un bâtiment où nous avions vu un néon "hôtel" à moitié démoli, nous tombions sur une épaisse grille métallique fermée par d'énormes chaînes. Personne ne répondait à nos appels. Sauf les chiens errants, bien-entendu. Un type est sorti de l'ombre pour nous aborder. Si on cherche un hôtel ? Evidemment ! Nous avons marché 10 minute dans cet univers post-apocalyptique. Il nous a amené devant une autre grille métallique. Mais cette fois-ci, quelqu'un en est sorti. Après d'âpres négociations avec notre rabatteur improvisé qui avait manifestement gagné sa soirée, il a accepté de nous ouvrir sa grille et de nous montrer notre "chambre". Il s'est empressé de refermer la grille de son hôtel derrière nous avec sa chaîne. La chambre était d'une saleté ignoble. Les toilettes dans le couloir puaient à des kilomètres. Et le bonhomme nous demandait manifestement dix fois le prix réel de sa chambre. Mais je crois que même au triple de ce prix nous aurions accepté...

Nous nous sommes empressés le lendemain de quitter cette ville de cauchemar pour aller sur les plages de Goa. Nous avons trouvé un petit bungalow dans le sud de l'état, dans le village de Palolem. Il est assez rustique mais il est à 20 secondes de la plage. Nous allons passer quelques jours ici à boire des mojitos avant de commencer notre route vers le nord (nous devons décoller de Katmandu dans un mois et demi). Prochaine destination : Hampi, puis Mumbay.

L'entrée du temple de Chidambaram, grandiose !

Le temple de Tanjor

Les éléphants occupent un rôle très important dans les temples hindous. Et il y a du coup beaucoup de fermes à éléphants en Inde. Ce qu'ils adorent, c'est l'heure de la douche.

Le plat indien typique, servi dans une feuille de bananier. Le plus difficile, c'est de s'habituer à manger avec les mains.

Au premier plan : Tom, l'indien qui nous a hébergé à Trissur. Puis Victoria qui était également hébergée. Et enfin los parisinos. Nous étions invités à un déjeuner de festival dans le temple que fréquentait Tom.

Le guru Baba (c'est son nom) dont la famille de Tom était fan.

Les backwaters au environs de Kochi. Superbes.

La plage de Goa avec ses bungalow, ses cocotiers et ses bars. Il m'est arrivé de passer la fin du mois de janvier dans un pire endroit...

3 commentaires:

  1. J'ai adoré la description de la ville fantôme et son merveilleux hôtel accueillant. Vous avez dû vous régaler lol Par contre passer le mois de Janvier à Goa, c'est toujours mieux qu'ici où il fait -10 actuellement.
    Oui, je comprends que l'Inde est un pays très déstabilisant.Vous y faites quand même de belles rencontres comme Tom l'indien.
    Bon rétablissement à Julien pour ses pieds. Gros bisous à vous deux.

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  2. AAAAAhh comment je suis jalouse !!! Nous on passe un mois de janvier français : augmentation des billets à la sncf, augmentation annuelle GDF EDF, augmentation des autoraoutes, baisse des apl, ... et j'en passe !!!
    On oublie vite, lorsqu'on voyage, ces détails qui empoisonnent !! La date anniversaire de notre départ arrivant, je suis de plus en plus nostalgique... je me sens déadaptée à la vraie vie mais heureusement vous êtes la vous et vos belles aventures pour nous rappeler la beauté contradictoire du monde !!
    Bonne suite de voyage amigos !!
    Barbara

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  3. non seulemnt vous allez rentrer riches de cultures mais aussi de rencontres ! j'aurais bien aimé être une petite souris pour vous voir avec Tom l'indien mais un peu moins le soir de votre petite promenade dans silent hill ! lol

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